Ce qu'Onfray pas pour être du côté des gentils

Publié le par Malik S.

Ce qu'Onfray pas pour être du côté des gentils

Ou quand la télé pâtit de ses échanges

Nous avons sans doute assisté à un grand moment de télévision samedi soir sur France 2. Non pas parce qu'il fera date, mais plutôt car il a révélé, si besoin était, les nouvelles pratiques de la police de la pensée.

Rendez-vous compte : Michel Onfray, le philosophe, a osé, à une heure de grande écoute, prétendre que les premières victimes des attentats n'étaient pas les musulmans mais les familles et les proches de ces victimes puis il a osé dire que non, le Coran ne prônait pas simplement « la paix, l'amour, la joie » mais que certains de ses versets étaient très problématiques par les messages de haine, d'antisémitisme, d'homophobie et de sexisme qu'ils véhiculaient.

Heureusement qu'Aymeric Caron veillait au grain et que l'imam du service public lit l'âme des islamophobes mieux qu'eux-mêmes, autrement, on aurait pu avoir un début de réflexion et de remise en question des belles aspirations et des beaux discours dont on espère depuis dix jours, dans une sorte de foi athée en la prière républicaine, qu'ils vont finir par restaurer la paix dans notre beau pays.

Ce qui était frappant, encore une fois, dans cet échange, c'était que la préoccupation des journalistes n'était pas le contenu du discours mais la réception qui pouvait en être faite, non pas les idées mais leurs présupposés idéologiques.

L'attitude des journalistes, pendant tout le reste de l'échange, n'a dès lors consisté qu'à montrer à quel point ils se désolidarisaient des idées du philosophe afin qu'on ne les accuse jamais de collaboration idéologique, d'islamophobie, ou pire, qu'on ne les condamne au bûcher médiatique pas une sorte d'association, non pas d'idées mais de personnalités : Zemmour-Houellebecq-Onfray-Caron ou Salamé.

Ils n'ont donc pas cherché à comprendre en quoi le discours du philosophe pouvait être éclairant en cette période d'agitation et de fanatisme mais ils ont cherché par tous les moyens à prouver que le Coran n'était pas moins violent que la Bible ou tout autre livre sacré.

Outre que cette affirmation est très contestable-nous y reviendrons plus tard-, ce qui est préoccupant, c'est l'incapacité totale de ces deux journalistes à réfléchir en dehors du cadre du politiquement correct, c'est-à-dire très exactement le constat que faisait Onfray en arrivant sur le plateau, constat aussitôt attaqué par Léa Salamé au nom du droit à s'émouvoir, comme si l'un empêchait nécessairement l'autre pendant plus d'une semaine.

Ce que les deux journalistes auraient pu percevoir, c'est que les versets cités par Onfray étaient problématiques au sens où il était très facile, pour les recruteurs, de les utiliser auprès de jeunes délinquants ou taulards musulmans, pour achever de les convaincre qu'en se livrant à des actions terroristes, ils ne faisaient que servir le prophète, leur religion et une part de leur identité et de leur histoire et que cette quête de sens, aussi dérisoire soit-elle, avait sans doute une valeur aux yeux de personnes à qui on arrive de moins en moins à présenter un autre modèle cohérent et des valeurs communes.

Mais non, les journalistes ont préféré voir de la part d'Onfray une attaque contre la communauté musulmane qu'ils ont alors défendue avec toute l'ardeur dont sont capables ceux qui appartiennent au camp du Bien.

Ne pas comprendre que la possibilité de justifier les crimes par Le Coran est un argument de poids pour convaincre certains jeunes qui n'ont rien à perdre, cela s'appelle au choix de la mauvaise foi, de l'aveuglement ou de la bêtise. Et bien que l'on pense Aymeric Caron et Léa Salamé tout à fait capables de cumuler les trois, on s'étonne toujours d'un tel déni de réalité. Léa Salamé a pourtant d'une certaine manière touché du doigt le problème en fin d'émission en s'alarmant qu'un jeune Français sur cinq croie à la théorie du complot. Elle aurait pu s'apercevoir, avec un peu de jugeote, qu'une partie de la réponse à sa question se trouvait dans le propos liminaire d'Onfray.

Mais elle a préféré inviter le philosophe à endosser une responsabilité qu'il n'a pas, (en tout cas pas plus qu'un autre) : celle de trouver sur le champ une solution à ce grave problème de société.

On remerciera d'ailleurs au passage Onfray pour sa diatribe sur l'école et sur le manque de considération des professeurs, et ce bien qu'on ait eu le sentiment que ni lui ni les journalistes n'avaient compris à quel point la parole du professeur, quand bien même on essaierait de lui redonner du poids, est noyée dans un océan de discours allant à l'encontre de celle-ci, que ce soit dans la cellule familiale, à la télévision ou sur les réseaux sociaux.

On le remerciera également d'avoir eu le courage, de plus en plus méritoire par les temps qui courent, de ne pas céder à la dictature du politiquement correct et de tenter de répondre à ses détracteurs.

On aurait aimé le voir aller plus loin et demander à Salamé, qu'on n'avait jamais vue autant en colère contre la Bible, quelle aurait été sa réaction s'il était venu faire un discours sur la violence de certains versets bibliques et si elle aurait alors réclamé avec autant de fougue la même critique pour le Coran au nom de l'égalité dans le traitement des religions.

On aurait aimé qu'il lui demande à quel endroit, dans la Bible, Dieu demande aux croyants en général (et pas seulement à certains prophètes dans des contextes de guerre ou de conquête de territoires) d'égorger les infidèles.

On aurait aimé qu'il demande à Caron si c'était le miracle de son islamophilie qui lui faisait considérer les versets appelant à l'égorgement des infidèles comme bien davantage compatibles avec la république que les propos du philosophe, dont l'heure de l'excommunication du service public est de plus en plus proche.

Mais il a préféré essayer, et on ne le blâme pas, devant l'impossibilité de discuter du fond, de prouver qu'il n'était pas islamophobe.

Il a parfois dû, pour montrer qu'il était bien de gauche et qu'il n'était pas Marine Le Pen, aller jusqu'à la caricature dans ses propos sur Israël et « l'islamophobie de la politique étrangère de la France » pour espérer être absous par l'un des évêques de la bien-pensance. Mais rien n'y a fait, il était condamné d'avance et il le savait.

Il est toujours assez étonnant de constater que ceux qui récitent pieusement leur « pas d'amalgame » dix fois par jour en égrenant leur chapelet sont les mêmes qui ont fait une couverture sur la haine avec Dieudonné au côté de Zemmour ou une autre intitulée les neo-fachos avec Elisabeth Levy juste au-dessus de Soral.

En ne pensant jamais que les victimes de ce qui vient de se passer pourraient être ces journalistes, en ne comprenant pas qu'en faisant d'Onfray et de Houellebecq des Zemmour et de Zemmour la figure absolue du mal et de la haine de l'autre, le diable du temps présent et pourquoi pas l'origine de la montée des fanatismes, ces journalistes reproduisent ce que beaucoup ont fait avec Charlie Hebdo en les appelant au calme, en leur reprochant leur islamophobie ou en leur donnant des leçons de diplomatie mais surtout en refusant de considérer la liberté d'expression comme supérieure à toute forme de croyance ou de sensibilité.

On voit pourtant fleurir sur la toile ces derniers temps beaucoup d'articles distinguant liberté d'expression et apologie du terrorisme et expliquant pourquoi Charb n'est pas Dieudonné. Mais cela n'empêche pas certains médias de continuer à mettre dans le même panier tous ceux qui ne pensent pas comme eux et à les accabler de tous les maux de la société actuelle.

Cela devrait faire partie de leur travail d'expliquer que, même s'ils ne sont pas d'accord avec Zemmour, Zemmour n'est pas Dieudonné. Loin de là, ils continuent à être convaincus que la « zemmourisation » des esprits (mot employé par Caron lui-même et repris hélas par Onfray qui a oublié de s'offusquer du vocable et s'est au contraire offusqué de cette comparaison scandaleuse) est plus dangereuse que le fanatisme et qu'elle est un crime qui surpasse de très loin le terrorisme.

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